À la découverte d’une crèche Montessori 

29 novembre 2022

La pédagogie Montessori est fréquemment mise à l’honneur ces dernières années. En effet, de plus en plus d’écoles, d’enseignants, d’ouvrages ou encore de crèches mettent en place les techniques élaborées par Maria Montessori au début du 20ème siècle. Pour en savoir plus et comprendre cet engouement, nous sommes partis à la rencontre d’Aby Kamara, directrice des crèches Olina où la philosophie Montessori est omniprésente.  

 

La pédagogie Montessori 

Maria Montessori est née en Italie en 1870. Elle était médecin et pédagogue et a travaillé toute sa vie auprès d’enfants, d’abord des enfants déficients mentaux puis des enfants issus de quartiers populaires. À force de recherches, elle a élaboré une méthode d’apprentissage respectueuse des besoins et de l’évolution de l’enfant.  

Les principales caractéristiques de la pédagogie Montessori sont :  

  • Rendre l’enfant acteur de ses propres apprentissages avec du matériel adapté à son âge et à ses aspirations du moment – ce que Maria Montessori appelle les « périodes sensibles » 
  • Offrir un maximum d’activités de manipulation pour que l’enfant développe son autonomie au sein d’un cadre sécurisé 
  • Minimiser au maximum l’intervention de l’adulte, l’adulte ayant un rôle d’observateur et de facilitateur 
  • Permettre à l’enfant de se mouvoir pour explorer son environnement et développer ses sens  
  • Respecter le rythme d’évolution de chaque enfant  

 

Les dessins sur la table permettent aux enfants de la dresser sans l’intervention des adultes 

 

Un cadre stable et rassurant 

La première question qui nous est venue à l’esprit lorsqu’on a visité une des crèches Olina était : mais pourquoi choisir cette philosophie plutôt qu’une autre ? Pour Aby Kamara, ce choix a facilité l’organisation de la crèche et a offert à toutes et tous une plus grande satisfaction.  

« Dans une crèche, vous avez des inconnus à gérer en permanence. Les absences tant des enfants que des puéricultrices sont fréquentes. Il faut savoir y faire face très vite et trouver des solutions. Avant, nous avions des puéricultrices de référence qui suivaient les enfants de section en section, mais cette continuité était régulièrement mise à mal. Par exemple, si une puéricultrice tombe enceinte, elle doit être écartée du jour au lendemain. La référence dans ce cas tombe à l’eau l’enfant passe d’une référente à une autre sans une préparation sécurisante. Aujourd’hui, la référence, c’est l’environnement stable, en plus des puéricultrices de la section. De plus, celles-ci travaillent de la même façon. Les activités sont les mêmes, le cadre est fixe. Si un jour une puéricultrice est malade, le déroulement de la journée n’en est pas affecté, ce qui est positif tant pour les enfants que pour les travailleuses. Avant, nous étions une crèche ‘standard’ mais je sentais que tout ne fonctionnait pas bien. J’ai mis deux ans à réfléchir et à me former. Et en 2014, Olina est devenue une crèche s’inspirant de la philosophie Montessori. Depuis, nous comptons six crèches au sein de l’asbl. »  

 

Chez Olina, tout est à hauteur d’enfant 

 

Cette pleine réflexion et ce travail d’harmonisation se ressent dès l’entrée dans les locaux d’Olina. Tout y est effectivement parfaitement organisé. Chaque objet a sa place et l’environnement – bien que coloré et chaleureux – est aussi assez épuré, ce qui offre un sentiment d’apaisement. Aby Kamara nous présente alors les différentes activités proposées aux enfants dans la section des plus grands : un coin lecture, un coin manipulation, un coin pour prendre soin des plantes et des poissons, etc. Mais bien d’autres activités sont simplement centrées sur la vie journalière. Ici, ce sont les enfants qui mettent la table et la débarrassent, ils se lavent les dents et les mains seuls et peuvent se servir un verre d’eau par eux-mêmes. Tout cela est rendu possible grâce au matériel qui est mis à leur hauteur et à leur disposition.  

 

Les spécificités d’une crèche Montessori 

Chez Olina, chaque activité est codifiée et précise. Les adultes présentent les activités aux enfants qui, s’ils le souhaitent, peuvent le faire immédiatement ou à un autre moment. Les enfants font les activités à leur manière, avec leur propre capacité, degré de maturité et envie du moment. Les activités sont très variées – il y en a une trentaine par section – mais elles sont toujours les mêmes. Cela permet à l’enfant de les répéter autant de fois qu’il le souhaite. Les activités sont également « auto correctrices », l’enfant n’a pas besoin de la validation d’un adulte pour savoir s’il a fait l’exercice correctement. Les réponses se trouvent au sein même de l’activité. De toute façon, il n’y a pas d’attente de résultat, l’enfant s’amuse.  

« Par exemple, quand un enfant se sert de l’eau et qu’il remplit son verre à ras bord, c’est le fait de mettre de l’eau à terre qui lui fournira l’information qu’il a pris trop d’eau. Ainsi, les prochaines fois, il essayera de stopper le robinet à temps en tenant compte de la limite tracée sur le verre par les puéricultrices. Toutefois, celles-ci lui expliqueront également qu’il peut mettre moins d’eau dans son verre pour ne plus en renverser. » 

Pour chaque activité, il n’existe qu’un seul exemplaire. Cela permet aux enfants d’apprendre le respect d’autrui et de développer leur patience mais aussi leur sens de l’observation. En effet, si, par exemple, un enfant veut jouer avec des cubes et qu’un autre enfant est occupé avec ceux-ci, il devra attendre son tour. À ce moment-là, une puéricultrice lui proposera une autre activité ou le laissera observer ce que l’autre enfant fait. On pourrait croire que ce système engendre des disputes mais c’est tout l’inverse. Aby Kamara nous a affirmé n’avoir vu que très peu de disputes dans ses crèches à cause des activités. Et quand cela arrive, cela se passe souvent avec les nouveaux arrivants. 

 « Grâce à cela, le travail des puéricultrices est grandement facilité. Elles ne doivent pas imaginer des activités différentes chaque jour et peuvent se concentrer sur l’observation des enfants. Elles vont ainsi repérer dans quelle phase l’enfant se trouve pour lui proposer des activités adaptées à cette phase. Par exemple, il y a une période dite de l’ordre. Si l’enfant veut tout ranger tout le temps au cours de cette période, on le laissera faire parce qu’on aura compris que c’est important pour lui. »  

 

Pour que les enfants retrouvent facilement leur brosse à cheveux, des photos ont été apposées sur chacune des pochettes 

 

Des puéricultrices et des directrices formées  

La méthode Montessori n’étant pas enseignée – parfois très furtivement abordée – dans les formations traditionnelles et pas encore si répandue, les puéricultrices fraichement engagées chez Olina ont tout à apprendre. Pour cela un suivi très structuré a été mis en place.  

« À chaque création de crèche, l’ensemble du personnel est formé par une personne externe. Cette personne passe également deux fois par an dans toutes nos crèches pour observer son fonctionnement et apporter des suggestions d’amélioration. Concernant les directrices, je les forme moi-même pour certains aspects. Une fois la crèche lancée, lorsqu’on engage une nouvelle puéricultrice, on dit d’abord qu’elle est stagiaire Montessori. Ses autres collègues vont ainsi lui expliquer peu à peu le fonctionnement de la crèche et lui apprendre chaque activité proposée aux enfants. La directrice de la crèche lui donnera aussi des conseils lors des débriefings qui ont lieu toutes les semaines. Dans leur formation initiale, on apprend aux puéricultrices à créer des activités dirigées, ce qui est totalement différent de ce qu’il se passe ici. À leur arrivée, il faut déconstruire les idées reçues qu’elles pourraient avoir et leur apprendre à observer attentivement les enfants. Notre travail se base uniquement sur l’observation de l’enfant, le portage, la capacité de la puéricultrice à travailler dans le calme, à mesurer ses déplacements afin de laisser les enfants occuper l’espace sans interruption et à anticiper ses actions. Pour cela, en plus des explications des collègues, nous mettons à leur disposition différents documents et référentiels. Nous ne parlons pas de pédagogie Montessori en crèche mais de philosophie car nous interrogeons tout le savoir-être des travailleurs. Un enfant de moins de trois ans n’a pas besoin d’apprentissage. Toute crèche peut se dire de philosophie Montessori si elle met en place des activités simples et adaptées aux périodes sensibles de l’enfant, porte un regard bienveillant sur lui et offre de l’attention et un discours adapté. Quand nous parlons de Montessori, les gens pensent que nous imposons aux enfants des apprentissages précoces. Mais c’est faux. Les enfants ont en eux toutes ces compétences. C’est par notre posture que nous les accompagnons à les mettre en exergue et à développer une bonne estime d’eux-mêmes. » 

 

Des parents impliqués et agréablement surpris 

L’asbl Olina comporte six crèches réparties au sein de la commune de Molenbeek-Saint-Jean. Et, comme partout à Bruxelles, une grande diversité de parents se manifestent aux portillons.   

« Les parents qui mettent leurs enfants dans les crèches Olina viennent de tous horizons. Certains viennent expressément pour notre philosophie – c’est de plus en plus le cas d’ailleurs – d’autres veulent juste une crèche – c’est déjà assez compliqué de trouver une place… » 

Pour maintenir le contact avec tous les parents, Olina a créé un carnet de liaison. Celui-ci sert tant aux parents qui peuvent y ajouter des annotations qu’aux puéricultrices qui y font passer certaines annonces. Le carnet a été étudié pour pouvoir communiquer avec les parents même s’ils ne parlent pas ou ne savent pas lire le français. Dans ce cas, des images sont collées dans le carnet.  

 

Le carnet de liaison entre les parents et les puéricultrices 

 

Ce qui marque la plupart des parents, c’est la prise d’autonomie de leur enfant. Certains ne comprennent pas tout de suite la volonté de leur enfant de tout faire par lui-même – parfois cela prend du temps et ils voudraient aller plus vite – mais les puéricultrices s’efforcent de leur expliquer et cela est généralement très bien accueilli.  

« Sans jugement et sans forcer, nous essayons de changer le regard que portent les parents sur leur enfant. Au sein de nos crèches, nous avons beaucoup d’enfants issus de familles nombreuses et/ou monoparentales où les parents ont des journées très intenses voire difficiles. Grâce au sentiment de liberté et au plaisir qu’éprouve l’enfant en agissant selon ses besoins à la crèche, celui-ci évolue et développe une certaine autonomie. Nous essayons de mettre cela en avant auprès des parents pour qu’ils voient leur enfant non pas comme une charge mais bien comme un petit humain qui, vers deux ans et demi, sait déjà faire naturellement beaucoup de choses, ce qui peut simplifier la vie ! Bien sûr, nous comprenons également que certains parents n’aient pas toujours le temps ni l’énergie pour appliquer la philosophie Montessori chez eux. Il faut du temps, de la patience et beaucoup de bienveillance. Et cela n’est pas grave si ce n’est pas possible pour eux. Ce n’est pas indispensable. Leur enfant passe huit heures par jour avec nous, il s’imprègne donc déjà suffisamment des méthodes Montessori. Pour les parents qui veulent poursuivre cette philosophie à la maison, nous leur expliquons comment faire – avec les objets déjà présents à la maison –, tout en leur précisant que ce qui compte n’est pas le résultat mais le plaisir ressenti par l’enfant. »  

 

Pour aller plus loin 

Pour découvrir l’asbl Olina, visitez https://www.olina.be/ Et pour en savoir plus sur la philosophie Montessori, voici un site très bien fait qui vous apportera de plus amples informations : https://decouvrir-montessori.com/quest-ce-que-la-pedagogie-montessori/