À l’initiative de plusieurs associations, une carte blanche intitulée “Bruxelles aux enfants” a été récemment partagée au grand public. Elle fait suite au constat de professionnel.les de l’enfance : la ville ne répond pas ou plus suffisamment aux besoins des 22% de notre population âgée en dessous de 18 ans. En effet, les espaces publics ne sont pas accueillants ni adaptés, ce qui favoriserait une sédentarisation et aurait de graves conséquences sur la santé des jeunes. L’objectif de ce manifeste est donc de rappeler aux politiques leur devoir de promouvoir et de défendre les droits des enfants. Pour ce faire, des recommandations sont lancées comme favoriser l’accessibilité aux familles, des infrastructures sécurisantes, des espaces publics de qualité ou prendre en considération les enfants et leurs parents dans les prises de décision.
Disponible depuis le 1er juin 2024, le manifeste a été publié dans le journal Le Soir et a déjà été signée par plus de soixante associations et professionnels du milieu de l’enfance. Par cette initiative, l’idée est bien de faire réagir les pouvoirs publics sur des sujets essentiels et impactant notre population et particulièrement les jeunes et les familles : l’environnement, la sécurité, la santé ou encore l’inclusion et l’émancipation des enfants.
{Carte blanche « Bruxelles aux Enfants : Manifeste pour une ville enfants bienvenu·es ! »}
22 % de la population bruxelloise a moins de 18 ans
Un beau souvenir de mon enfance, c’est quand on jouait dehors. J’étais dehors sur un arbre qui était tombé. On était dessus au moins à dix gosses, on était dessus assis comme ça. Alors on se balançait toute la journée, et ooooooh ! Et on chantait toute la journée… Avec tous les enfants du quartier », Julienne, maman de deux enfants de 2 et 5 ans.
Des enfants qui jouent à côté de leur maison dans une plaine de jeux, d’autres qui se rendent à l’école seul·es sans que leurs parents s’inquiètent, des adolescentes qui s’arrêtent dans un espace vert sur le chemin du retour à la maison sans crainte d’être harcelées, pouvoir se soulager dans des toilettes publiques plutôt que se cacher derrière des buissons, faire du vélo plus souvent que seulement durant la Journée sans voiture… Voilà la ville dont beaucoup rêvent pour leurs enfants. Un rêve bien loin de la réalité ! Malgré sa vitalité et sa jeunesse, Bruxelles n’offre pas un environnement urbain sain, respectueux des droits des enfants. Et pourtant, 22 % de la population bruxelloise a moins de 18 ans.
Des conséquences néfastes
J’ai trois enfants, dont un encore en poussette, mais je n’ai que deux mains. C’est difficile de les garder près de moi. J’ai constamment peur des voitures, des trams… le temps de rentrer de l’école, je suis épuisée, je préfère rentrer chez moi plutôt que de passer par le parc. Fatima, mère de trois enfants, Jette.
Les professionnel·les du secteur de l’enfance le constatent, les enfants et les jeunes passent de moins en moins de temps à l’extérieur, ce qui entraîne des conséquences néfastes diverses : délitement des liens sociaux, lourds problèmes de santé physique et mentale liés à la sédentarité, à la pollution de l’air et à l’augmentation du stress, non-apprentissage des risques, manque de confiance en soi…
J’ai l’impression que je passe mon temps à couper l’élan de vie de mes enfants – à leur gueuler : “Ne courez pas ! Restez près de moi ! Stop !” C’est fatigant et déplaisant. » Camille, mère de deux enfants, Saint-Gilles.
Un espace public à revoir
Plusieurs raisons expliquent pourquoi les enfants et les jeunes deviennent de plus en plus casanier·es. En premier lieu, le sentiment d’insécurité sur les routes. En effet, la circulation routière constitue une des raisons principales de la diminution du temps passé par les enfants à l’extérieur et de la perte de leur autonomie. Dans les quartiers denses, les familles sont peu nombreuses à posséder une voiture. L’automobile prend néanmoins une place prépondérante et entre directement en compétition avec les enfants dans l’espace public. C’est le plus souvent dans ces mêmes quartiers que l’on observe une qualité de l’air médiocre voire mauvaise ainsi qu’un manque de lieux extérieurs privatifs (balcon, cour ou jardin), d’espaces publics de qualité, et notamment d’étendues vertes attrayantes pour les enfants et les familles. On le constate donc, l’inadéquation et l’insuffisance de l’espace public à Bruxelles créent des problèmes qui coûtent à la société, particulièrement pour les familles bruxelloises les plus vulnérables socio économiquement.
Politique en faveur des enfants
Ces constats vont à l’encontre des droits de l’enfant (particulièrement les articles 6, 12, 13,24 & 31), dont la Convention internationale a été signée et ratifiée par la Belgique. Or, ces problèmes pourraient être réduits ou même supprimés. La situation actuelle n’est en rien une fatalité, mais une question de choix politiques. Il est de la responsabilité des gouvernements de garantir le droit des enfants à un environnement sain et sûr. Les candidat·es aux prochaines élections 2024 doivent s’engager à prendre des mesures concrètes aux niveaux régional et communal et d’adopter ainsi une posture politique forte en faveur des enfants et des jeunes dans la ville.
La ville aux enfants
Rendre effectif le droit des enfants à la santé, à la sécurité, et à la participation. Nous, associations de différents secteurs et citoyen·nes, enjoignons les autorités publiques à s’atteler à :
- améliorer l’existant, multiplier et adapter les espaces verts et l’espace public aux besoins des familles, en priorité dans les quartiers en carence et en remédiant à la trop faible présence des femmes et des filles ;
- développer des infrastructures sécurisantes, agréables et accessibles favorisant une mobilité autonome des enfants et des jeunes et encourageant les déplacements à pied, en poussette, à vélo ;
- réduire l’exposition des enfants aux différentes sources de dangers (notamment liés au trafic automobile et à la pollution atmosphérique) ;
- intégrer la participation des enfants et des jeunes aux projets d’aménagement de l’espace public.
Investir pour l’avenir
L’espace public, s’il est accessible et de qualité, est un levier important pour améliorer la santé, la qualité de vie, le vivre ensemble. Les personnes vulnérables se sentent plus en sécurité avec la présence des familles, créant ainsi un cercle vertueux. Une ville à taille d’enfant a donc des bénéfices tant au niveau individuel que collectif et sociétal, car elle devient accueillante pour tout le monde. C’est pourquoi nous, associations, avons rassemblé en vue des élections nos propositions en faveur d’une ville qui place les enfants et les jeunes en son cœur. Investir pour l’avenir de nos enfants et de nos jeunes, dans des rues sûres, résilientes aux enjeux sanitaires et climatiques : c’est l’objet de notre manifeste.
Ce qui lui plaît à vélo, je pense que c’est cette liberté d’être dehors, d’avoir de l’air, de partir tout seul. Je lui dis de circuler dans la cour mais il ne veut pas. Il veut toujours aller loin, sur la route. Je pense que c’est cette idée d’aller loin, de découvrir autre chose. Julienne, maman de deux enfants de 2 et 5 ans
“Trace ton chemin !”
L’initiative intitulée “Trace ton chemin!” a été lancée par l’action citoyenne “La ville aux enfants”. Son objectif : agir sur trois que sont la sécurité routière, la qualité de l’air et une ville pour les enfants. Le collectif a ainsi lancé son action pour rappeler aux usagers de la route la présence des enfants et de veiller à leur sécurité. Les enfants ont pu tracer leur propre chemin, à l’aide d’une grande craie et d’une perche, depuis leur domicile jusqu’à leur école. D’autres actions seront réalisées dans le futur et ouvertes à tous. Le collectif porte un message symbolisant leurs actions en faveur d’une ville plus saine : “Parce qu’une ville pensée pour les enfants est une ville où il fait bon vivre pour tous !”
→ Envie de prendre part aux prochaines actions ? C’est par ici !
Vidéo de présentation de l’action “Trace ton chemin !” ↓
Samuel Walheer