C’est dans le cadre du Colloque “Amiante et Pesticides”, qui s’est tenu le 11 avril dernier au Parlement Européen, qu’un “appel des professionnels de santé contre les pesticides” a été lancé envers les pouvoirs publics. Il s’agit d’un constat alarmant, réalisé par la Cellule Environnement de la Société Scientifique de Médecine Générale, visant à protéger notre santé et, particulièrement, celle des plus jeunes. L’équipe de Born in Brussels a tenu a partager les points essentiels de cet appel, également à consulter sur le site du Docteur Coquelicot, projet de vulgarisation de la SSMG (Société Scientifique de Médecine Générale).
Dans l’appel, on peut lire qu’en Belgique, chaque année, plus de 5.000 tonnes de substances actives pesticides sont utilisées. Un tiers de ces substances autorisées sont cancérigènes, toxiques pour la reproduction et toxiques pour les organes. De nombreuses substances actives entrainent des effets de perturbation endocrinienne. Certaines sont des PFAS (Substances aux propriétés chimiques spécifiques). Sans oublier toutes les autres substances ajoutées à la molécule active, les co-formulants, dont plusieurs sont des biocides en elles-mêmes (métaux lourds, arsenic, hydrocarbures…).
Pour signer → “L’appel des professionnels de santé contre les pesticides”
Voici l’appel lancé par la Cellule Environnement de la Société Scientifique de Médecine Générale :
“Les raisons de cet appel
En tant que professionnels de la santé, nous sommes très inquiets. Nous sommes très inquiets car nous sommes toutes et tous contaminés par les pesticides, y compris pendant des périodes de vie de haute vulnérabilité à leur toxicité. Femmes enceintes, bébés, enfants, adolescents. Personne n’y échappe. Les études de biomonitoring montrent que dans notre pays, les pesticides sont d’ailleurs parmi les polluants les plus retrouvés chez les enfants. Le dernier biomonitoring wallon a mis en évidence que 99% des urines des enfants de 3 à 11 ans montrent des traces d’au moins un insecticide et que les concentrations étaient d’ailleurs plus élevées chez les enfants que chez les adolescents ou les adultes.
Est-ce bien normal ?
Est-il normal qu’un bébé vienne au monde avec des pesticides dans le sang ?
Est-il normal de retrouver des pesticides dans le lait maternel qui est censé être le meilleur aliment pour le nouveau-né ?
Est-il normal de retrouver du boscalide, du captane, du prosulfocarbe, de l’acétamipride et encore bien d’autres pesticides dans les petits pots de légumes et de fruits pour bébé, dans les boissons lactées ou encore dans les céréales infantiles? Nous ne pouvons l’accepter.
Les risques sont nombreux
L’impact des pesticides sur le déclin de la biodiversité et sur la santé humaine est considérable. Ce ne sont pas des opinions. Ce sont des faits scientifiques. Les effets sur la santé sont bien documentés et le faisceau de preuves ne fait que se renforcer. Cancers (1ère cause de décès en Belgique), troubles de la fertilité, troubles du développement neurologique, maladies neurodégénératives, endométriose, pathologies thyroïdiennes, respiratoires, métaboliques, surpoids, obésité. Derrière cette liste de pathologies, combien de vies brisées, combien de familles endeuillées?
Une santé sacrifiée…
Nous ne pouvons accepter que la santé soit la variable d’ajustement des systèmes alimentaires industriels. Nous ne pouvons accepter que la santé soit la grande oubliée des discussions et des décisions prises ces dernières semaines en matière d’agriculture. Aujourd’hui, les externalités négatives du complexe industriel agro-chimico-alimentaire sont assumées par la société, par nous toutes et tous. Les coûts en termes d’impact sur la santé sont colossaux. L’épidémie de maladies chroniques, outre toutes les souffrances qu’elle occasionne, ne fera qu’appauvrir la collectivité. Nous ne pouvons accepter que la santé soit sacrifiée sur l’autel de la prospérité de l’industrie agro-alimentaire et chimique.
Une inquiétude généralisée
Nous sommes particulièrement inquiets de constater la régression en matière de régulation de ces pesticides. En effet, parmi d’autres reculs, la Commission européenne a dernièrement retiré son plan de réduction des pesticides, a accordé la prolongation du glyphosate pour 10 ans et a accordé une prolongation pour des pesticides tueurs d’abeilles (SDHI Succinate DesHydrogenase Inhibitors). Notre pays s’est également illustré ces dernières années par une politique de dérogations successives accordées pour plusieurs pesticides toxiques. Est-il normal de ne pas pouvoir citer le mot pesticides dans les campagnes de sensibilisation à destination du grand-public et en particulier à l’attention des femmes enceintes ou en désir d’enfant ? Comment expliquer l’omerta qui règne au sujet des pesticides au sein même de certaines de nos administrations qui ont pour rôle d’être au service de la population?
Prendre position pour un vrai changement !
Nous, professionnels de santé, affirmons qu’on ne peut impunément balayer d’un revers de main les données scientifiques. À l’instar de nombreuses autres sociétés scientifiques, comme l’Endocrine Society, la Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique (FIGO) et encore bien d’autres, il est de notre devoir de prendre position afin de protéger tous nos patients, et en premier lieu, les enfants, les agriculteurs et agricultrices qui sont les premières victimes de ces pesticides. C’est pourquoi nous demandons à tous les décideurs de prendre, enfin, leurs responsabilités. Nous plaidons pour une politique alimentaire vertueuse qui protège la santé et l’environnement car c’est ce que nous avons de plus précieux. En tant que professionnels de la santé, et en partenariat avec le monde agricole, nous avons un rôle à jouer dans la mise en œuvre de cette politique alimentaire vertueuse qui préserve le vivant dont nous faisons partie.”
Partagé par Samuel Walheer