Salomé, 9 ans, est la fille adoptive de Simon Rigot et son épouse. Quand elle avait 1 an et demi, ils sont allés jusqu’en Chine pour la rencontrer et la ramener avec eux en Belgique. Mais avant d’effectuer ce voyage qui a changé leurs vies, un véritable parcours du combattant les a tenus en haleine pendant au moins dix ans… Simon a accepté de nous raconter leur histoire.
Bien installé derrière son écran, Simon Rigot, la soixantaine, semblait tout disposé à se replonger dans ses souvenirs liés à l’adoption de sa fille Salomé. D’entrée de jeu et de lui-même, il évoqua les contraintes actuelles de l’adoption internationale qui, selon lui, sont devenues bien plus drastiques qu’il y a quinze ans. « Salomé est l’un des derniers bébés à avoir été adoptés en Chine, car le pays a ensuite décidé que les enfants chinois ne devaient plus quitter le territoire et être adoptés sur place. D’autres pays ont pris la même décision, réduisant à une dizaine ceux qui acceptent encore l’adoption internationale, sous critères stricts qui plus est. »
Pourquoi avez-vous décidé d’adopter ?
« Lorsque nous avons décidé de faire un enfant, assez tard déjà, la méthode naturelle n’a jamais fonctionné. Nous nous sommes alors tournés vers la procréation médicalement assistée et au bout de trois FIV infructueuses, deux choix s’offraient à nous : baisser les bras ou adopter. Nous avons bien sûr opté pour la deuxième option, même si nous savions que ça pourrait prendre beaucoup de temps. »
Quels étaient les critères d’adoption ?
« En Belgique, les critères d’adoption ne sont pas vraiment drastiques : un casier judiciaire vierge, des moyens suffisants… Mais lorsqu’on décide d’adopter à l’étranger, il faut également répondre aux critères du pays choisi, la Chine pour nous. Il fallait notamment que nous soyons mariés, ce que nous avons fait immédiatement, que nos bilans médicaux et psychologiques soient bons et que nos comptes en banque soient suffisamment remplis. Par chance, nous cochions donc toutes les cases. »
Quelles ont été les principales démarches ?
« Après notre inscription, en 2003, auprès d’un organisme agréé, l’asbl Amarna dans notre cas, une enquête sociale a eu lieu et il a fallu passer plusieurs fois devant le juge avant que, trois ans plus tard, notre dossier soit enfin approuvé. Mais les démarches d’adoption ne se sont pas arrêtées là… En tout, elles ont bien duré dix ans à partir de la demande initiale. En 2006, nous avons donc reçu l’agrément et six autres mois ont été nécessaires pour compléter le dossier qui allait être envoyé au pays de notre choix. La Chine nous a alors affirmé que nous étions bien sur leur liste d’attente et qu’il n’y aurait normalement plus qu’un an à patienter. Mais ça a finalement duré bien plus longtemps puisque ce n’est qu’en 2014 qu’on nous a appelés pour nous dire qu’un enfant nous attendait enfin. Nous l’avons su en janvier et en mars, nous étions partis. Sur place ça a été très rapide ; il n’y pas eu tant de tracasseries administratives et la petite a directement pu repartir avec nous dans la chambre d’hôtel. Deux semaines plus tard, nous étions déjà de retour en Belgique. »
Pourquoi avoir choisi d’adopter en Chine ?
« La Chine était une relative évidence, car nous ressentions un lien intellectuel, culturel et artistique fort avec ce pays que nous avions visité peu de temps auparavant. Il faut, selon moi, une réelle affinité et une sensibilité évidente avec le pays choisi, car ce sera important plus tard pour l’enfant de voir que ses parents adoptifs aiment ou se sentent proches de sa terre d’origine. Nous avions un peu hésité avec l’Inde au début, mais notre choix s’est finalement tourné vers Chine pour une question d’âge de l’enfant. En Inde les enfants pouvaient être adoptés jusqu’à l’âge de 5 ou 6 ans alors qu’en Chine, nous étions sûrs de pouvoir adopter un bébé ; ou du moins un enfant de moins de 2 ans. Mais comme je le disais au début, il n’est maintenant plus possible d’adopter dans ce pays. »
Toute cette attente a-t-elle pesé sur votre couple ?
« Nous nous efforcions, pendant tout ce temps d’attente, sans trop y penser ; de ne pas trop en parler autour de nous. Mais ce qui est sûr, c’est que nous n’avons jamais eu de doute ou de perte d’espoir. Nous étions sur la même longueur d’onde. Sûrement que la présence de mon fils (issu d’un premier mariage) a forcément été bénéfique ; nous ne vivions pas dans une maison sans vie… Je sais que nous avons eu de la chance et que certains couples ne supportent pas toute cette incertitude et finissent par se séparer… »
Est-ce que le lien avec votre bébé s’est rapidement établi ?
« Le lien avec Salomé s’est fait immédiatement. Elle a tout de suite senti, je pense, que nous étions ses parents. Elle a compris qu’elle était aimée et désirée. Nous l’attendions depuis tellement longtemps ; nous étions sous le charme. À notre retour en Belgique, elle est restée pendant six mois dans un cocon familial très restreint ; il y avait toujours l’un ou l’autre membre de la famille avec elle dans la maison. Ensuite, elle a intégré la crèche petit à petit. Avant ses 5 ans, elle était très calme, dormait bien… Et puis on a senti qu’elle était plus agitée, elle faisait des colères… Nous en avons parlé à l’asbl Amarna et ils nous ont rassurés en disant que s’il y avait un souci lié à l’adoption, ça se serait manifesté bien plus tôt… »
Quel type de suivi est organisé lors du retour en Belgique, et par qui ?
« Un suivi est organisé par le pays d’adoption. Nous devions envoyer une fois par an à la Chine, par l’intermédiaire d’Amarna, un rapport de suivi très détaillé. Après quatre ans, le suivi a cessé. Il faut rappeler qu’en FWB il existe 80 organismes privés vers lesquels on peut se tourner si l’on désire adopter. En Flandre, le système est encore plus complexe. »
Avez-vous des informations sur les parents biologiques de Salomé, pour lui en parler, lui expliquer ?
« Salomé a été abandonnée à la naissance. Il y a donc un point d’interrogation sur ses origines avec lequel elle devra vivre le mieux possible. Nous lui avons toujours dit qu’elle était née en Chine, qu’elle devait en être fière. Son histoire est claire et sans tabou. Nous comptons aller très bientôt avec elle dans son pays de naissance, car elle en a fait la demande. Et si elle en émet le souhait, nous l’aiderons aussi à retrouver la trace de ses parents biologiques, nous ne nous y opposerons pas. »
Quels conseils donneriez-vous aux parents souhaitant adopter ?
« Le meilleur conseil que je peux donner, c’est d’être très patient. Ensuite je suggère : de ne pas choisir un pays au hasard, de trouver le bon organisme qui peut expliquer très en détail la procédure d’adoption et les délais, de se renseigner abondamment sur les exigences administratives du pays choisi… Il faut savoir où on met les pieds et ne surtout pas perdre espoir. Adopter est une décision qui demande du temps, plusieurs années même, car on s’engage pour 20-25 ans de sa vie. Le seul regret que j’ai, c’est la longueur de la procédure ; j’ai déjà 60 ans et ma fille Salomé n’en a que 9… »
Propos recueillis par Sofia Douieb